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Les grottes : plaque tournante des virus - interview épidémiologique

dimanche 28 juin 2015, par Hugo Struna

Judicaël OBAME, l’entomologiste, doctorant au CIRMF (Centre International de Recherche Médicale de Franceville) étudiera pendant l’expédition certains insectes et les chauves-souris afin d’évaluer les risques sanitaires. Il nous explique son travail et son objectif de mission la veille du départ.

H.S : Vous connaissez bien les grottes de Lastoursville pour y avoir déjà travaillé, pourquoi sont-elles si intéressantes ?

J.O : Les grottes d’une manière générale sont des écosystèmes très singuliers : obscurité, humidité très forte, températures stables toute l’année… Des conditions qui conviennent à une faune atypique, parmi elle certains reptiles, des rongeurs et surtout les chauves-souris qui peuvent se compter par millions dans une seule cavité ! Ces immenses colonies et les conditions de promiscuité sont favorables à la transmission et au maintien d’agents infectieux, tels que les parasites, les virus ou les bactéries.

H.S : Ces animaux sont ces fameux « réservoirs » ?

J.O : Oui, on les appelle aussi « organismes hôtes ». Ces animaux renferment en leur sein des virus qui s’installent opportunément dans leur organisme sans trop les affecter. Et dans certains cas l’agent infectieux peut passer d’une espèce à l’autre, et venir infecter l’homme. Ebola par exemple trouve probablement son origine chez la chauve-souris. Ce passage inter-espèce peut se faire de manière direct, suite à des contacts entre l’hôte et l’homme – chasse, attaques… -mais aussi de manière indirecte.

H.S : Par le biais de certains insectes…

J.O : C’est ma spécialité. J’étudie en particulier les arthropodes hématophages, c’est-à-dire les insectes qui se nourrissent du sang des chauves-souris et d’autres animaux cavernicoles. Ces insectes sont nommés vecteurs car ils véhiculent les agents infectieux entre plusieurs organismes, parfois d’espèce différentes. Une sorte de colporteur de virus ! Les moustiques sont les plus évidents mais il y a aussi les tiques, certaines mouches hématophages et d’autres espèces (cératopogonides, phébotomes).

H.S : En quoi consiste votre travail de terrain ?

J.O : Il est indispensable de faire un inventaire précis de la faune réservoir dans les grottes d’une part mais aussi des insectes hématophages. Sur le terrain, je capturerai des insectes en forêt à la lisière des grottes et à l’intérieur des cavités. J’effectuerai ensuite une première identification succincte puis direction le laboratoire.

Capture de chauves-souris pour étude parasitologique

H.S : C’est au laboratoire que l’on découvre si l’insecte contient ou non un agent infectieux ?

J.O : Voilà, des analyses moléculaires d’identification d’ADN nous indiquent la présence et l’identité de l’agent infectieux.

H.S : Quels agents infectieux peut-on potentiellement trouver dans ces grottes ?

J.O : Des parasites hémosporidiens, qui sont un peu l’équivalent du paludisme chez les animaux sauvages. Nous pourrons aussi trouver des insectes infectés par d’autres virus et ce, dans la mesure où ils seront détectables... Cela dépendra des outils de diagnostic qui seront mis à disposition. Nous nous attendons aussi bien-sûr à détecter de nombreuses bactéries .

H.S : La grande question est celle qui concerne la transmission vers l’homme des agents infectieux dans cette région ?

J.O : C’est l’objectif principal. D’autant que le secteur qui entoure les grottes de Lastoursville va faire l’objet d’exploitation minière, de tourisme, des activités qui vont mettre en relation l’homme et cette faune potentiellement infectieuse. Il est donc indispensable d’identifier et d’étudier ces trois chaînons : les hôtes – chauve-souris, rongeurs.. -, les vecteurs – moustiques, tiques…- et l’agent infectieux – virus, bactéries...

Détermination au laboratoire du CIRMF

H.S : Vous êtes en train de préparer une thèse sur ces arthropodes hématophages ?

J.O : Oui et je passe ma soutenance au mois de décembre ! C’est pour cette raison que je ne resterai pas en permanence pendant l’expédition, il me reste beaucoup de travail. Mais comptez sur moi pour venir déposer tout de même quelques pièges dans les grottes !

H.S : Bon courage !

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